Leader du marché : Pourquoi et comment utiliser Figma ?
Notre Product Designer Florian vous explique pourquoi et comment utiliser Figma, leader mondial des interfaces design.
Dans notre monde où tout va vite, avec une omniprésence du numérique, en tant que designers, nous jouons un rôle essentiel dans la conception des produits qui nous entourent. Concevoir, c’est faire des choix, même anodins en apparence, qui vont orienter l’attention, façonner la compréhension, influencer le comportement. Il est donc essentiel de se questionner sur ce que nous concevons et pour qui.
Nous sommes à la fois responsables d’offrir une expérience fluide et engageante à nos utilisateurs mais aussi de leur permettre de prendre leur propres décisions. La connaissance des biais cognitives semblent donc être une compétence incontournable à acquérir. Cependant que se passe-t-il lorsqu’un designer choisit délibérément d’exploiter ces biais pour changer le comportement des utilisateurs? Jusqu’où peut-on aller? Quelle est la limite entre influencer et manipuler?
Entre efficacité persuasive et responsabilité morale, le designer est confronté à un dilemme éthique : tirer parti des mécanismes cognitifs pour servir l’utilisateur ou les exploiter à des fins commerciales, parfois au détriment de son libre arbitre.
Nous allons ainsi explorer cette ligne fine entre l’intention et la manipulation, pour comprendre le rôle du Product Designer dans l’utilisation et parfois le détournement des biais cognitifs, mais aussi proposer des pistes pour construire un design plus éthique.
Avant d'explorer comment les biais cognitifs peuvent être mis à profit, il est essentiel de comprendre la nature même de ces mécanismes mentaux.
Le concept de "biais cognitif" prend son origine dans les années 1970, grâce aux recherches en psychologie de Daniel Kahneman et Amos Tversky. Ils cherchaient alors à comprendre les décisions irrationnelles prises par les investisseurs qui continuaient de financer un projet alors qu’ils savaient qu’il était voué à l’échec. Ils se sont rendu compte que ces décisions venaient du biais des coûts irrécupérables. C’est-à-dire que malgré les preuves que nous avons et qui nous indiquent que nous nous dirigeons vers la mauvaise direction, ce biais nous pousse à continuer d'investir de l'argent, des efforts et du temps car nous ne voulons pas voir nos investissements précédents gaspillés.
Ainsi, on peut définir un biais cognitif comme étant un schéma de pensée faussement logique et trompeur. C’est une erreur qui se produit dans notre raisonnement, qui peut affecter les jugements et les décisions d’un individu.
Nous sommes tous concernés par ces biais au quotidien, cela fait partie du fonctionnement normal de notre cerveau. Et les entreprises l’ont bien compris, couramment, nos biais sont stimulés. Par exemple, les entreprises utilisent le biais de simple exposition, pour nous bombarder de stimulis multiples, pour nous assaillir de messages publicitaires, ce qui vient modifier notre façon de consommer de manière inconsciente. Ce n’est pas pour rien que les sponsors se disputent les espaces publicitaires lors de matchs importants retransmis à la télévision, car la répétition de ce stimuli, va modifier la préférence pour une marque des téléspectateurs mais aussi des supporters sur place. C’est la même chose lorsque vous allez faire vos courses. Les magasins installent des têtes de gondoles bien réfléchies, qui mettent en valeurs certaines marques pour lesquelles vous allez développer un avis positif, et c’est ainsi que votre panier se trouve alourdi de produits qui n’étaient pas sur votre liste, sans parler de votre budget qui en prend un coup.
Dans le champ du design, ces biais ne sont pas des anomalies à corriger : ils font partie intégrante de la manière dont les utilisateurs interagissent avec un produit. Ils influencent la manière dont une personne scanne une interface, comprend une information, ou prend une décision au sein d’un parcours. Ignorer leur existence, c’est concevoir des expériences théoriques, déconnectées de la réalité cognitive de l’utilisateur.
Le design n’est jamais neutre puisque chaque choix que nous faisons, influence subtilement les comportements. Les biais cognitifs sont donc un outil puissant dans la conception d’expériences numériques. Mais où se situe la frontière entre l'engagement authentique, l’influence et la manipulation?
Influencer, signifie-t-il nécessairement de manipuler?
La distinction peut sembler floue, mais elle est essentielle.
Influencer, c’est orienter avec une intention assumée, tout en laissant à l’utilisateur la liberté de choisir. Par exemple, suggérer les filtres les plus utilisés dans un moteur de recherche va aider notre utilisateur à mieux trouver ce qu'il veut, notre intention est donc louable vis-à-vis de lui.
Manipuler, par contre, c’est réduire cette liberté en exploitant une faille cognitive à son insu, grâce aux dark-patterns mis en placent, comme nous allons le voir par la suite.
On peut ainsi se demander sur quelle ligne nous sommes quand Vinted indique à son utilisateur que s’il n’achète pas ses articles préférés (qu’il a lui-même mis de côté) quelqu’un d’autre le fera à sa place. Car cette simple phrase joue à elle seule sur plusieurs biais. D’abord le biais de rareté pour nous suggérer qu’il y a peu de stock disponible, ce qui déclenche une urgence d’achat. Ensuite, le biais d’aversion à la perte car l’utilisateur pourrait "perdre" quelque chose qu’il convoite. Enfin le biais de pression sociale introduit l’idée qu’il y a de la compétition, donc que d'autres personnes convoitent les mêmes articles.
Cette phrase se situe à la frontière entre l’influence et la manipulation. Elle peut être acceptable si elle reflète une réalité concrète et temporaire, mais devient manipulatrice si elle est utilisée comme un automatisme pour provoquer l’achat, sans fondement réel.
La question de l’influence éthique se pose aussi lorsque des marques comme Amazon ont recours au biais d’ancrage à travers des artifices visuels tels que les prix barrés. Ce contraste, désormais standardisé dans les interfaces e-commerce, agit comme un point de référence implicite, renforçant la perception d’un avantage économique. Même lorsque la réduction réelle est minimale, l’utilisateur est amené à percevoir une opportunité à ne pas manquer, moins en raison de la valeur réelle que par effet de comparaison.
De la même manière, des plateformes comme Booking ou Amazon activent l’aversion au regret via des messages comme “Plus qu’un hébergement à ce prix” ou “Il ne reste plus que xx exemplaires”. Ces termes, bien que parfois basées sur des données vérifiables, sont formulées pour générer une urgence cognitive. En réduisant la fenêtre de réflexion, elles déplacent le rôle de l’interface : de médiateur d’information, elle devient catalyseur d’action. Ce glissement révèle un enjeu éthique fondamental pour le designer : à partir de quand l’optimisation comportementale nuit-elle à la qualité de l’intention de l’utilisateur ?
Un cas emblématique de dark pattern concerne le processus de désabonnement au service Prime d’Amazon, qui a depuis été réglé. Pendant longtemps, se désinscrire relevait du parcours du combattant : menus labyrinthiques, messages ambigus, choix confus, et incitations répétées à rester abonné étaient autant d'obstacles semés sur le chemin de l'utilisateur.
Ce n’est qu’à la suite d’une plainte du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) qu’Amazon a été contraint de revoir ce parcours. L’entreprise a finalement simplifié l’expérience de désabonnement, en retirant les éléments manipulatoires identifiés comme problématiques. Cette évolution illustre bien la manière dont la régulation peut jouer un rôle crucial dans la lutte contre les pratiques de design trompeuses.
Ce cas met en lumière une responsabilité centrale du designer produit : concevoir des interfaces respectueuses de l’intention réelle des utilisateurs, et non des objectifs commerciaux à court terme. Lorsqu’une friction est introduite de manière unilatérale pour servir l’entreprise au détriment de l’utilisateur, elle n’est plus neutre : elle devient un acte de design porteur de conséquences éthiques.
Ces exemples révèlent à quel point les biais cognitifs sont devenus des mécanismes profondément intégrés dans le design d’interface, influençant aussi bien la structure des parcours que la conception des micro-interactions. Ils ne relèvent plus de simples ajustements UX, mais s’inscrivent comme des leviers stratégiques dans l’orchestration du comportement des utilisateurs. Le designer ne doit pas se limiter à optimiser les conversions, mais veiller à maintenir un équilibre entre efficacité et éthique, en respectant l’autonomie de l’utilisateur.
Face à cette responsabilité, il est essentiel de s’interroger : comment concevoir des parcours engageants, tout en respectant l’autonomie décisionnelle des utilisateurs? Comment utiliser les biais cognitifs de manière éclairée, sans basculer dans la manipulation?
Comme nous avons pu le voir, l’usage des biais cognitifs soulève bien des questions éthiques.
En tant que concepteurs d’interfaces, notre rôle ne se limite pas uniquement à créer des expériences efficaces, fluides et orientées vers la conversion. Il nous engage aussi à respecter la liberté de choix des utilisateurs et à préserver leur autonomie face aux mécanismes d’influence intégrés dans nos parcours.
Dès les premières phases du design, nous pouvons nous interroger sur ce que nous souhaitons faire, sur la cohérence des choix que nous faisons avec le résultat souhaité. Ce passage vers un design plus conscient ne signifie pas renoncer à l’efficacité, mais vise une performance alignée avec des valeurs de transparence, d’équité et de respect de l’intention de l’utilisateur. Voici quelques pistes concrètes pour inscrire cette démarche dans les pratiques du quotidien.
La première étape consiste à assimiler les biais cognitifs les plus courants pour les reconnaître et être en mesure d’interroger leur utilisation dans une interface. En étant plus en alerte lorsque nous devenons nous-mêmes les utilisateurs, nous serons d’avantage en mesure de questionner les choix faits par les autres et donc de ne pas suivre une tendance qui pourrait-être mauvaise pour nos utilisateurs.
Voici quelques ressources pour vous y aider :
1/ L’encyclopédie des biais cognitifs de Boussad Addad
Plus de 200 biais cognitifs sont traités dans ce livre, avec exemples et études à l’appui. Ouvrage très intéressant.
2/ Un article de Usabilis : Définition des biais cognitifs
3/ Radio France : Biais cognitifs, la fabrique à Histoires
Pour déterminer si nous sommes plus en train d’influencer ou de manipuler, il est nécessaire de se poser 3 questions :
L’éthique ne doit pas être l’affaire d’un seul designer "sensible", mais une responsabilité collective. Lors des phases de conception, on peut intégrer des rituels simples :
Pour conclure, un design éthique n’est pas un design parfait, mais un design qui se questionne en permanence.
Il est évident que dans bien des contextes, les designers doivent composer avec des organisations peu enclines à placer les utilisateurs au centre de leurs décisions. Trop souvent, des produits sont conçus à distance des usages réels, portés par des décideurs convaincus de mieux savoir que leurs utilisateurs ce qui est bon pour eux. Dans ce type d’environnement, faire émerger une démarche de design éthique représente un défi supplémentaire. Mais ce défi est aussi une opportunité.
En tant que designers, nous avons déjà l’habitude de défendre la voix des utilisateurs, de plaider pour leur inclusion dans les processus de création. L’éthique ne vient pas remplacer cette mission : elle en est une extension naturelle. Elle consiste à poser des questions plus profondes sur l’impact de nos choix, à défendre une conception qui respecte la liberté, la clarté et la dignité des personnes.
Convaincre les parties prenantes qu’un design responsable est aussi un levier de confiance et de fidélité durable, c’est une victoire plus exigeante, mais infiniment plus précieuse que de céder à la facilité des raccourcis manipulateurs. Car au fond, créer de la valeur sans trahir l’utilisateur, c’est là que se joue le vrai rôle du design.
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