Les communs numériques et lʼopen source comme levier de transformation
Découvrez comment la DINUM transforme l'État par le produit. Yowa Muzadi révèle les clés du pragmatisme, des communs numériques et de l'intrapreneuriat au service de l'impact citoyen.
Dans cet épisode de Product Leader Stories, nous accueillons Yowa Muzadi, experte produit à la Direction Interministérielle du Numérique (DINUM), pour un échange au cœur d'une transformation d'envergure : comment l'État se réinvente pour devenir une organisation product-driven, en s'appuyant sur les communs numériques et l'intrapreneuriat.
L'objectif : moderniser les services publics, améliorer l'expérience des usagers et des agents, et promouvoir une culture de l'impact social.
Yowa Muzadi : le produit au service de l'intérêt général
Avec un parcours atypique en sciences sociales du numérique et en design UX, Yowa Muzadi apporte une perspective unique sur le produit public. Elle a notamment été chargée de déploiement puis Product Manager sur une startup d'État, avant de rejoindre la DINUM, la direction qui pilote la stratégie numérique de l'État et produit des services pour l'ensemble des administrations.
Son constat : l'informatique d'État était coûteuse, peu adaptée aux besoins des usagers. Il fallait un renouveau des méthodes.
"On est vraiment là pour délivrer un service public, on a une politique publique, et donc ce qu'on va rechercher c'est la valeur à l'usager, nos objectifs d'impact."
Beta.gouv.fr : l'intrapreneuriat comme levier de transformation
Il y a dix ans, le programme Beta.gouv.fr a été créé pour importer les pratiques agiles et le mode produit du secteur privé au sein de l'administration. L'idée est de miser sur les intrapreneurs : des agents publics irrités par un problème de terrain et désireux de le résoudre par le numérique.
"Nous, ce qui nous intéresse, c'est que ce soit des gens qui vont aller chercher l'impact et qui sont vraiment irrités par un problème de terrain."
Ces intrapreneurs, qu'ils soient conseillers France Travail ou assistants sociaux, sont formés au produit et accompagnés par des coachs. Bien que le modèle idéal d'entrepreneur-PM ne fonctionne pas toujours parfaitement, Yowa insiste sur la valeur inestimable de cette "vision de terrain" qui garantit l'alignement avec les besoins réels des usagers et évite de "prioriser les besoins de l'administration, soit prioriser les besoins du ministre."
Les Communs Numériques : mutualisation, souveraineté et collaboration
L'un des leviers de transformation majeurs pour l'État est le développement des communs numériques. Ces ressources ouvertes, partagées et dotées d'une gouvernance collaborative sont la traduction concrète du principe "public money, public code".
"Un commun numérique, c'est une ressource ouverte, partagée, où il va y avoir une gouvernance qui est elle aussi partagée."
Yowa cite l'exemple de Docs, un éditeur de texte franco-allemand, alternative libre aux suites bureautiques propriétaires. Dès la conception, un commun numérique est pensé pour être réutilisable, avec une documentation exhaustive et une architecture adaptée. L'objectif n'est pas de concurrencer le privé, mais de fournir une base souveraine et accessible que les acteurs privés peuvent réutiliser et enrichir.
Elle mentionne aussi OpenFisca, un moteur de calcul de prestations sociales développé par la société civile et soutenu par l'État, qui permet à de nombreux acteurs de construire de nouveaux services pour les citoyens. Ce modèle favorise l'émergence d'une communauté de contributeurs, où l'usager n'est plus seulement consommateur, mais acteur de l'évolution du produit.
Défis du déploiement et passage à l'échelle
Avec plus de 200 produits numériques créés en 10 ans par Beta.gouv.fr, les enjeux de déploiement sont devenus cruciaux. L'administration ne dispose pas de budgets marketing classiques, et doit développer de nouvelles compétences en matière d'acquisition et de diffusion. La mutualisation des fonctions de déploiement par portefeuille de produits (comme pour la Suite Numérique de l'État) est une tendance qui se développe pour passer à l'échelle et faire face à cette industrialisation.
L'État Plateforme : une tendance d'avenir
L'un des grands axes stratégiques pour les années à venir est la concrétisation de l'État plateforme. L'idée est que l'État, à l'image des grandes plateformes privées, puisse fournir des briques logicielles, des API et des données ouvertes qui permettent à d'autres acteurs (collectivités, associations, entreprises) de construire des services numériques à moindre coût.
"C'est l'idée que (...) l'État a aussi la capacité, la responsabilité, l'opportunité de se mettre en situation d'être une plateforme et donc de fournir des briques (...) qui vont permettre à d'autres de faire des produits ou qui vont permettre de diminuer le coût d'entrée pour des plus petits acteurs pour pouvoir produire des services numériques."
C'est déjà le cas avec Data.gouv.fr, le portail des données ouvertes de l'administration , qui a permis l'émergence de services inattendus, comme MeilleursAgents basé sur les données foncières. Cette logique de mutualisation et d'ouverture est un vecteur de transformation durable, quelle que soit la technologie (données, briques logicielles, ou même IA demain).
Conclusion
À travers cet échange, Yowa Muzadi nous démontre la puissance d'une approche produit adaptée au contexte public. En plaçant l'humain, la donnée et la collaboration au centre, la DINUM ouvre la voie à une administration plus agile, plus efficace et plus proche des besoins de ses usagers, construisant un véritable "Product System" au service de l'intérêt général.
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